Le 23 janvier 2025, à l’occasion de la cérémonie de fin de formation de la 219e promotion des surveillants pénitentiaires à l’École nationale de l’administration pénitentiaire (ÉNAP), Gérald Darmanin a confirmé un plan ambitieux visant à transformer profondément l’administration pénitentiaire.
Si ces annonces marquent une volonté claire de répondre aux nombreux défis du système carcéral, elles suscitent également des interrogations légitimes, notamment dans un contexte où le budget 2025 n’est pas encore voté.
Parmi les mesures annoncées, la création d’une prison de haute sécurité, destinée à accueillir les 100 plus grands narco-trafiquants, est un projet emblématique. Cette structure, prévue pour être opérationnelle en juillet 2025, sera suivie par deux autres établissements similaires dans les deux ans à venir. Avec un investissement de 4 millions d’euros et l’ouverture de nouvelles sections des Équipes Régionales d’Intervention et de Sécurité (ERIS), l’objectif étant de mieux gérer les détenus les plus dangereux et de renforcer la sécurité dans les prisons.
Même si cet objectif est louable et que la CFDT pénitentiaire y est favorable, tout ceci doit s’accompagner de mesures d’accompagnement nécessaires comme la spécialisation des personnels affectés dans ces établissements pour éviter que ce regroupement des détenus les plus dangereux n’aboutisse à la reconstitution des réseaux mafieux ou des règlements de compte entre clans.
C
e dispositif s’accompagnera de la création d'une police pénitentiaire, prévue pour 2026, chargée d’assurer des missions de contrôle et de surveillance, tout en apportant un soutien aux agents d’insertion et de probation dans les quartiers sensibles. En outre, un effort particulier sera consenti pour permettre aux surveillants d’accéder au concours d’officier de police judiciaire, élargissant ainsi leurs compétences.
Pour que ces mesures ambitieuses mais souhaitées par le personnel pénitentiaire se concrétisent, elles devront nécessairement s’accompagner d’une spécialisation des personnels affectés dans ces établissements sécurisés : des personnels motivés et volontaires et spécialement formés pour une prise en charge adaptée des détenus les plus dangereux. La CFDT Pénitentiaire est consciente que ce projet ne pourra aboutir qu’avec un budget à la hauteur de ses ambitions.
Sur le plan organisationnel, la création d’une direction générale de l’administration pénitentiaire, scindée en deux branches distinctes – l’une dédiée à la sécurité et l’autre à l’insertion et la probation marque une volonté de mieux structurer le système.
Cette réforme vise à clarifier les rôles tout en donnant davantage de reconnaissance et de moyens aux missions d’insertion, essentielles à la réhabilitation des détenus. En complément, des états généraux de l’insertion et de la probation seront organisés à partir d’avril 2025, permettant une large concertation avec les agents concernés pour repenser les politiques de réinsertion et mieux lutter contre la récidive.
Ces initiatives démontrent un engagement certain pour une meilleure reconnaissance des métiers de l’insertion et de la probation qui devront également s’accompagner de mesures complémentaires comme des effectifs supplémentaires de personnel de surveillance en SPIP pour sécuriser les locaux et les personnels.
Une autre annonce notable concerne les détenus étrangers définitivement condamnés. Une mission spécifique sera chargée d’organiser leur expulsion vers leur pays d’origine afin de réduire la surpopulation carcérale. Bien que cette mesure représente une réponse directe à un problème structurel, elle soulève des interrogations sur la faisabilité de ces expulsions, notamment en raison des contraintes liées aux accords bilatéraux avec certains pays.
Les annonces de Gérald Darmanin traduisent une volonté affirmée de moderniser en profondeur l’administration pénitentiaire. En s’attaquant à des problématiques comme la surpopulation carcérale, le narcobanditisme ou encore la radicalisation, ces réformes ambitionnent de transformer le système pénitentiaire en un outil plus efficace et mieux adapté aux enjeux contemporains.
Cependant, la concrétisation de ces projets repose sur des moyens financiers et humains suffisants, une coordination rigoureuse et une attention particulière à l’équilibre entre sécurité et réinsertion.
Sans ces conditions, ces initiatives risquent de ne pas produire les effets escomptés
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