14 oct. 2021

COMMISSION ENQUETE ASSEMBLEE NATIONALE VISANT A IDENTIFIER LES DISFONCTIONNEMENTS ET MANQUEMENTS DE LA POLITIQUE PENITENTIAIRE FRANCAISE

 

 Identifier les facteurs de surpopulation carcérale et la dégradation progressive des conditions de détention des PPSMJ

 

Le problème de la surpopulation carcérale est chronique et a valu d’ailleurs à la France une condamnation par la Cour Européenne des Droits de l’Homme en Janvier 2020.

Il est difficile effectivement de promouvoir le droit à la dignité et le droit quand les établissements sont surencombrés. La surpopulation concerne  principalement les MA  qui constituent la majorité des établissements pénitentiaires.

Les causes de l’inflation carcérale s’expliquent probablement par une plus grande sévérité en matière de répression  et dans l’exigence d’une exécution plus rapide des réponses pénales  et en fonction  du positionnement des magistrats.

La crise sanitaire n’a pas facilité les conditions de vie en détention

La population carcérale a connu une baisse significative pendant le confinement du printemps 2020 en raison des mesures gouvernementales qui ont été prises à savoir des libérations anticipées pour éviter la propagation de l’épidémie dans les établissements  et en raison également d’une  baisse de la délinquance.

Ce qui prouve qu’il est possible d’y parvenir ! La tendance s’est ensuite inversée engendrant inévitablement une dégradation des droits fondamentaux des détenus.

La surpopulation est un facteur d’aggravation des conditions de détention insatisfaisantes  tant dans les conditions d’accueil (parcours arrivants) que dans l’affectation qui suit (conséquences des violences et des tensions).

Ce qui entraîne inéluctablement des conditions d’hygiène dégradées, une intimité limitée, des sorties restreintes  pour certains dits  « vulnérables » avec une tentation de repli et d’isolement , des soins donnés au mieux mais qui forcément subissent les effets du surnombre,  des liens avec l’extérieur plus ou moins difficiles , des tensions et de l’insécurité, une réinsertion mise à mal puisque l’accès aux activités est parfois compliqué et l’accompagnement des PPSMJ par les SPIP est rendu difficile de par leur nombre encore insuffisant.

Le manque de personnels de surveillance est également un facteur aggravant (manque de disponibilité, de temps  et des conditions de travail dégradées).

Lutter contre la population carcérale doit faire l’objet d’une politique ambitieuse qui doit se faire progressivement et d’une volonté commune de transformation profonde de la politique pénale et de la gestion pénitentiaire.

La création de nouvelles places de prisons n’est pas une  réponse suffisante et ne répondra pas aux difficultés du surencombrement.

Il faut réfléchir en termes de sens donné à la peine et adapter le nombre de places de prison à l’évolution de la criminalité.

Aller au-delà de la réflexion et ne pas se limiter à mettre en place le « numerus clausus ». Il faut qu’une analyse individuelle de chaque situation soit faite et un choix lié à une meilleure préparation à la sortie.

Pour cela il s’avère impératif d’affiner le calcul de la capacité des établissements à recevoir ce public (répartition personnes prévenues procédures correctionnelles criminelles en instruction, appel, pourvoi, etc ….

Les magistrats doivent être attentifs aux conditions de détention et le principe des alternatives à l’incarcération doit  vraiment être appliqué. L’utilisation excessive de la peine d’emprisonnement doit être réajustée. (Problématique des personnes souffrant de troubles mentaux, personnes âgées, personnes en fin de vie ou souffrant d’un handicap lourd)

Ceci étant dit les moyens matériels et humains alloués aux alternatives à l’incarcération doivent pour cela être déployés pour éviter des difficultés de fonctionnement dans les services dédiés à ces missions.

 

Etudier l’éventuel  lien de causalité entre les conditions d’incarcération et le phénomène de la radicalisation religieuse des personnes détenues.

 

La surpopulation carcérale est en effet un facteur important de risques pour la radicalisation.

Il est évident que la concentration d’individus dans des lieux clos favorise la circulation des idées les plus radicales

C’est pourquoi l’administration pénitentiaire  a mis en place des dispositifs conséquents pour lutter contre cela et que les moyens déployés pour développer le renseignement pénitentiaire ont été réels même si encore insuffisants.

Le renseignement pénitentiaire souffre d’un manque de moyens techniques et d’effectifs criant surtout sur certaines régions administratives. Tous les services liés au renseignement pénitentiaire sont en souffrance à la fois au SNRP à la DAP, en interrégional au sein des CIRP et pour les DLRP dans les établissements

(Certains qui  gèrent seuls plus de 40 objectifs ce qui est intenable pour faire un travail cohérent). Ces DLRP qui sont par ailleurs normalement affectés à 100 % sur leur structure sont amenés à effectuer d’autres missions alors qu’on leur demande un travail de qualité. Il faut absolument émanciper le DLRP des directions afin qu’ils ne servent pas de variable d’ajustement pour les permanences entre autres. Une politique d’harmonisation doit absolument être mise en œuvre et savoir ce que nous voulons réellement.

 

Evaluer le risque de dégradation de la réponse pénale associée à l’insuffisance du nombre de places de prison et à l’efficacité des aménagements de peine

 

Sur le terrain nous constatons une dégradation de l’efficacité coercitive de l’incarcération.

 

Le fait que les peines soient aménagées de manière quasi systématique vide de leur sens nombre d’entre elles et notamment lorsque ce sont des mesures de sursis révoquées qui sont portées à l’écrou.

Le législateur en 2012 s’est basé sur les systèmes nord-américains en copiant l’approche du « what works »  pour réduire la récidive.

Ce principe est parti du constat que les détenus sortant de prison avec un aménagement de leur peine avaient un taux de récidive 4 fois moindre que celui de ceux qui étaient libérés en sorties dites sèches.

A partir de là,  une analyse simple voir simpliste de ce phénomène a été faite en rendant presque automatique les aménagements de peines.

Au lieu de s’intéresser sur les raisons de ce faible taux de récidive, seul le résultat a été pris en compte et non les causes…….

De manière honnête, il convient de considérer que cela pouvait également servir une politique de gestion des flux carcéraux pour laquelle la France a été régulièrement retoquée en matière de surpopulation carcérale et donc des conditions de détention.

Le raccourci a donc été aisé et une politique d’aménagements « automatiques »  accompagnée du principe selon lequel l’incarcération devait rester exceptionnelle en matière correctionnelle a contribué à la situation actuelle de dégradation de la réponse pénale.

 

Il aurait été de bon aloi de prendre en compte le «what works » en considérant que si le taux de récidive est si faible pour les personnes aménagées, c’est parce que  ces dernières sont actrices de leur projet.

Les aménagements de peines clefs en mains ou automatiques sont néfastes et contreproductifs.

 

Cependant, les contraintes économiques dictant les politiques publiques et notamment pénales, il n’apparait pas réaliste d’envisager un retour en arrière en créant un nombre de places considérable de prison.

 

Enfin, concernant cette problématique, nous constatons les faiblesses de la détention à domicile.

 

Du point de vue matériel, la personne n’est pas empêchée physiquement de commettre de nouveaux faits. Les modifications horaires sont nombreuses et simplement soumises à l’avis du magistrat.

Cette mesure qui est la dernière alternative à l’incarcération est dénaturée par des changements d’horaires qui sont trop fréquemment accordés par les SPIP. Les modifications d’horaires devraient relever d’une décision judiciaire alors que la délégation de cette prérogative qui reste exceptionnelle dans le droit positif français touche un domaine de sécurité publique…….c’est très discutable.

Cette situation rend donc les aménagements de peines et la réponse pénale moins efficaces.

 

Pour résumer le risque essentiel demeure dans l'absence de prise en compte de l'individualisation de la peine. Les réponses automatiques mise en place par l'administration pénitentiaire comme les CPU et la LSC empêchent la préparation aux aménagements de peines tellement ces mesures sont chronophages en raison du nombre traitées chaque semaine. Il serait souhaitable de réfléchir à une prise en charge individuelle. Des réunions de synthèse avec l'ensemble des partenaires prenants en charge la PPMSJ aurait certainement de meilleurs résultats. Cela permettrait de se concentrer sur les situations ayant de réels besoins. Aujourd'hui, le CPIP ne voit plus la PPSMJ parce qu'il y a un besoin mais parce qu’il y a une échéance !!


Mesurer l’incapacité grandissante à garantir  l’accès aux dispositifs de réinsertion et de préparation à la sortie des personnes détenues

 

Il faudrait pouvoir  doubler le nombre de CPIP……et systématiser les partenariats avec pôle emploi, les bailleurs sociaux, la mission locale, la préfecture, le fonds de garantie, le trésor public, la CAF, la sécurité sociale et les pôles médicaux en créant des référents dans chacun de ces différents organismes.

                           

 La mise en place des assistantes sociales au sein des  SPIP a permis d'améliorer l'accès aux dispositifs d'insertion et l'accès aux droits sociaux. La préparation à la sortie reste pour une large part dans les  missions dévolues aux  CPIP. Chaque personne bénéficie à son arrivée d'un état des lieux de sa situation sociale et professionnelle. Les dispositifs sont mis en place dès que cela s'avère nécessaire.    

Le frein le plus connu reste les courtes peines qui ne permettent pas l'accès aux dispositifs faute de temps. Nous sommes aussi confrontés aux personnes qui ont épuisé tous les dispositifs et qui ne veulent plus avoir à faire ni au pôle emploi, ni au CHRS. Ces dispositifs ne leur ont pas été utiles dehors.

Reste le frein de la psychiatrie. Aucune structure ne prendra en charge un sortant de prison malade et non stabilisé et là aussi le temps joue.

Nous sommes souvent confrontés au décalage entre le temps social et médical et le temps judiciaire.  

L'idée de créer des quartiers sortant a pu paraître séduisante mais elle est avant tout facteur d'angoisse supplémentaire pour la PPMSJ qui se trouve sans solution. De plus, ces quartiers usent les professionnels en place qui sont submergés de demandes urgentes et n'ayant pas toujours de solutions. 

 

Améliorer le traitement carcéral des délinquants mineurs

 

Le nombre de mineurs incarcérés était 752 au 1er janvier 2021, représentant 1% de la population carcérale.

Alternative les centres éducatifs fermés : créées par la loi Perben I, en 2002, ces structures d’hébergement ont été conçues comme un « intermédiaire entre les solutions classiques de placement et l’incarcération ». Théoriquement destinées à accueillir des mineurs « multirécidivistes ou « multi-réitérants » pour lesquels les différentes solutions éducatives ont été mises en échec », elles devaient ainsi permettre de leur éviter la prison.

Mais les CEF sont en fait une extension des modes d’enfermement des jeunes, davantage qu’une alternative ou une substitution.

L’idée reçue selon laquelle l’incarcération permettrait de remettre un jeune dans « le droit chemin » est en effet loin de la réalité. Le plus souvent, elle va avoir tendance à accélérer l’ancrage dans la délinquance : elle fragilise les liens familiaux, socialise dans un milieu criminogène, y confère un statut, etc.

Selon une étude sur les sortants de prison, le taux de re-condamnation dans les cinq ans des mineurs est de l’ordre de 70%, plus élevé encore que chez les majeurs (63%).

Les mineurs peuvent être détenus soit dans l’un des six établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs (EPM) mis en place en 2002, soit dans les quartiers pour mineurs (QM) de prisons pour adultes – que les EPM devaient remplacer. Les activités pédagogiques et le suivi sont largement développés dans les EPM. 47 établissements disposent de places pour mineurs, essentiellement des maisons d’arrêt (ou quartiers maison d’arrêt). La plupart des mineurs (64,1%) y sont incarcérés, dans des espaces dont la taille varie selon les établissements : de 4 à 50 places, voire 115 places à Fleury-Mérogis. En principe, les mineurs doivent être  séparés des adultes. Mais il n’est pas rare que les QM soit un simple regroupement de cellules contiguës, le plus à l’écart possible du reste de la population carcérale, mais en communication tout de même. Pour les filles, cette règle de séparation n’est d’ailleurs quasiment jamais respectée. Différence toutefois par rapport au régime des majeurs détenus : le principe de l’encellulement individuel est appliqué : chacun sa cellule, à quelques exceptions près. Pour le reste, le traitement est le même pour l’essentiel : conditions matérielles « indignes » ou « vétustes » à Villepinte, Strasbourg ou Caen, dénonce le Contrôle général des lieux de privation de liberté (CGLPL). Climat de violence. Vacuité du quotidien.

Les mineurs détenus doivent en principe faire l’objet d’une « intervention éducative continue » : l’enseignement ou la formation sont censés constituer la part la plus importante de leur emploi du temps, dans la continuité de leur parcours préalable à l’incarcération. En pratique, en QPM, 25% des jeunes détenus ont moins de sept heures de cours hebdomadaires, 70% moins de douze (Sénat, mission d’information sur la réinsertion des mineurs enfermés, 2018). Dans les prisons d’Île-de- France (qui accueillent près d’un quart des mineurs), ils peuvent attendre un laps  de temps  considérable avant de voir leur premier professeur – alors que leur détention dure en moyenne trois mois. En EPM, l’offre d’enseignement n’est pas encore suffisante.

Les violences en détention

Les agressions sur personnels se multiplient malgré les mesures prises par l’administration. Au-delà des réflexions sécuritaires indiscutables et essentielles, il nous semble impératif de mener une réflexion sur la doctrine des métiers qui redonnera un souffle au système pénitentiaire. C’est la politique pénitentiaire qui doit être revue et adaptée aux contraintes actuelles avec la volonté de recentrer l’autorité  par un  positionnement professionnel reconnu du surveillant, par une  réorganisation du travail  et des pratiques professionnelles.

Cette réflexion vaut pour les détenus mineurs et majeurs.

Deux tiers des détenus sont en prison pour des faits de violence, mais la prison ne doit pas être un lieu de violence. C'est un lieu de droit et le premier des droits est celui à la sécurité", a déclaré M. Ridel Directeur AP.

Fustigeant ceux qui "pendant des années, de façon idéologique", ont "opposé l'insertion et la sécurité" alors que les deux sont "liées", il a estimé que la lutte contre la récidive passait à la fois "par un travail de prévention des violences" et "par un travail social d'intégration des gens dans la société", notamment par l'éducation, la formation et le travail en détention.

Le projet de loi du garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, adopté en première lecture fin mai à l’ AN comprend un large volet sur le travail en détention et les droits des détenus, "essentiels" à la réinsertion selon le ministre.

"Sans sécurité, on peut mettre toutes les activités que l'on veut, si le détenu a peur de se faire racketter dans un couloir il n'ira jamais", abonde M. Ridel.

Selon l'administration pénitentiaire, l'essentiel des violences en détention concerne les violences entre détenus (environ 8.000 cas par an) et celles sur le personnel (environ 4.500 cas).

Le plan, qui comptera de "grands axes" nationaux mais sera décliné en fonction des spécificités de chacun des 188 établissements pénitentiaires du pays, sera lancé d'ici à la fin de l'année.

D'ici là, l'administration pénitentiaire veut procéder à une analyse des besoins et à un retour d'expérience sur ce qui se fait déjà: programmes contre les violences en place dans certaines prisons, unités pour détenus violents, "module respect" (qui permet aux détenus de circuler librement en détention à certaines conditions).

Le plan doit aussi compter impérativement un volet sur les violences visant le personnel pénitentiaire en dehors de la prison.

La sécurité des établissements pénitentiaires et des SPIP milieu ouvert

La vétusté et la sécurité péri métrique d’un certain nombre de structures sont mises en  cause (Evasion MA Carcassonne, entre autres problèmes) sur lesquelles il est urgent d’intervenir.

La sécurité des personnels doit être assurée tant sur le domaine pénitentiaire qu’à l’extérieur ainsi que la sécurité des personnels travaillant en SPIP milieu ouvert (certains ne bénéficient encore d’aucun dispositif de sécurité).

 

Exemple de Château Thierry :

 

La prise en charge des détenus au CP Château- Thierry paraît particulièrement pertinente et peut servir de référence quant aux comportements professionnels à adopter.

Cette formation –action est  basée sur l’analyse d’une pratique de prise en charge d’un public particulier et d’une pratique visant à désamorcer les situations de violence

La structure a un rôle particulier : il s’agit à l’arrivée d’un détenu de stabiliser le comportement de celui-ci et pour cela les agents ont une posture professionnelle spécifique avec des automatismes qu’ils cultivent  (poignée de main – tutoiement.)

 Les surveillants partent du postulat qu’il faut prendre la personne comme sujet avec ses troubles, sa personnalité et sa violence. Il y a autant d’adaptations qu’il y a de détenus.

Au-delà de la bonne connaissance des publics, les surveillants connaissent leurs limites ; ils travaillent dès lors en équipe et n’hésitent pas à passer le relais, si nécessaire.

 Les informations sont régulièrement partagées et c’est d’autant plus vrai avec le service médical (autant par des échanges formels qu’informels).

L’environnement fait que les surveillants s’adaptent (pour la majorité en tout cas) même s’ils viennent d’établissements complètement différents.

La valorisation du savoir-faire des agents induite par un  dispositif de formation important contribue à la pérennisation d’une culture et de pratiques professionnelles perçues comme pertinentes.

 

Problématique du recrutement

Le recrutement devient de plus en plus compliqué voire catastrophique dans un contexte où le métier manque indiscutablement d’attractivité. Des conditions de travail plus satisfaisantes et une rémunération à la hauteur des espérances (surtout pour un élève) pourraient tendre à inverser cette courbe décroissante. Revoir les conditions de scolarité en délocalisant  les sites de formation.

Il est donc impératif de revoir les politiques de recrutement en œuvrant sur des pistes différentes que celles proposées jusque-là. Pourquoi ne pas mixer les possibilités d’accès au métier de surveillant pénitentiaire par concours  à ceux qui n’ont que le brevet des collèges pour ne pas les freiner mais aussi programmer un recrutement  aux personnes  issues des métiers de la sécurité plus aptes certainement à intégrer directement la catégorie B ?  Ceci afin d’élargir le champ des possibilités de recrutement.

Les surveillants méritent une attention particulière et une réforme d’envergure doit leur permettre d’évoluer et d’avoir des indices et des échelons revus pour le bon déroulement de leur carrière

Nos personnels exercent leur métier avec mérite et courage dans un contexte difficile sans être suffisamment pris en considération tant sur le plan statutaire qu’indemnitaire.

 

Remerciements.

 

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